EMMANUEL
(MANU) BON (17
novembre 1906 - 25 août 1988) Rédigé
par Michel Bon pour le centième anniversaire de la naissance
de Manu Bon, le 17 novembre 2006 |
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Emmanuel Bon
Le centième anniversaire
de la naissance d'Emmanuel Bon (que tout le monde appelait Manu dans
une famille qui raffolait des surnoms) est l'occasion de fournir
quelques repères biographiques de sa vie, sans pourtant
évoquer l'homme qu'il fût, ce qui serait plus
important mais plus difficile. Les racines Bon Emmanuel Bon est le premier
né de sa génération, celle du premier
tiers du vingtième siècle. Sa famille est
originaire du Jura, où l'on retrouve sa trace au
début du XV° siècle : il est fait mention
d'un Gérard Bon, qui commande la sergenterie
de Voiteur. La
généalogie continue commence au XVII°
siècle, où les Bon sont propriétaires
de vignes près de Lons le Saunier et partagent leur temps
entre Lons le Saunier, dont ils sont bourgeois, et leur maison
familiale de Montain,
dont l'existence est attestée dés le XV°
siècle. A l'époque de la
Révolution, l'ancêtre de Manu s'appelle Claude.
Sa femme s'appelle Etiennette
de Saint Meur; son
frère Gabriel est chanoine, son frère
François marie ses enfants l'une à un procureur
du Roi, qui sera décapité en 1793, l'autre
à la nièce de l'Evêque
d'Embrun et la troisième à
son neveu, le fils de Claude, Gabriel Bon, qui est donc
l'arrière-grand-père du grand-père de
Manu. Leur fils Xavier qui est l'arrière
arrière-grand-père de Manu est pour sa part
médecin. Ce Xavier a
trois enfants, dont un seul, Alfred, se mariera, avec Joanna Letourneur, la fille
d'une lignée d'armateurs de Granville dont est aussi issue
Catherine de Sairigné;
il est receveur des Finances, métier à
l'époque élégant, qui était
une charge, un peu comme aujourd'hui les notaires. Alfred, qui meurt en
1897, a deux fils : l'aîné, Gabriel est le
grand-père de Manu. Le cadet, Emmanuel, n'aura pas de
descendance; lui et sa femme, la fameuse "tante Ada" dont toute la
famille a des tableaux, vécurent au "château" du Brigon, à Gières,
près de Grenoble.. Gabriel, le grand-père de Manu,
épouse en 1879 Pauline Leclère,
fille du Député Maire de Granville. C'est un
polytechnicien (1870), officier d'artillerie. Sa carrière le
conduira à Tlemcen, Granville (où naît
Charles, son fils aîné,) Grenoble, Paris
(où il est Officier d'Ordonnance du Président de
la République, Félix Faure), Sathonnay, Rouen,
Besançon (où il commande le 5°
Régiment d'Artillerie). Nommé
Général en 1911, à 58 ans, il commande
l'Artillerie du 2° Corps d'Armée à La
Fère, dans l'Aisne quand commence la Grande Guerre. Il
quitte l'armée en 1915 pour s'établir
à Marseille où il meurt en 1924. Sa femme
"Grand-mère Bon", viendra s'installer à Paris
avenue Bosquet où elle vivra jusqu'en 1937. Ils auront neuf
enfants : -Charles (1879-1944) le
père de Manu, -Joanna,
sa jumelle (1879-1885) -Emmanuel (1881-1902) -Jacques (1882-1984) qui fit Saint Cyr et dont descendent nos
cousins Bon, Boutan et
Béguin, -Xavier (1885-1912) -Marie (1888-1967), qui
épousa un officier d'artillerie, André Piet
(1877-1944), dont descendent nos cousins Piet, Grandcolas
et Gresland, -Yvonne (1892-1976), qui
épousa également un officier d'artillerie, Edouard Favre (1876-1949), dont
descendent nos cousins Boucher, -Marguerite, sa jumelle (1892-1985)
qui épousa elle aussi un officier d'artillerie qui sera
tué pendant la Grande Guerre, Paul Laurent (1883-1916), dont
descendent nos cousins Cuny, -Bernard (1894-1915), qui fit Saint
Cyr et sera
tué pendant la Grande Guerre. Charles, le père de Manu,
naît à Granville en 1879, puis suit ses parents
à Alger, Grenoble, Paris, où il passe son bac et
en est félicité par une lettre du
Président de la République Félix Faure
pour qui travaille son père. Il entre à Saint-Cyr
en 1899, dans la promotion d'In Salah, et en sort officier de cavalerie
en 1901. Après une formation complémentaire
à Saumur, le "temple" de la cavalerie, il est
nommé en 1904 à Beaune, comme lieutenant au
16° Régiment de Chasseurs. C'est alors qu'il
épouse Marie-Thérèse Botu de Verchère Les racines Botu
de Verchère Marie-Thérèse
Botu de Verchère (1885-1954)
est issue d'une très ancienne famille aristocratique du
Dauphiné, venue s'établir en Ardèche
au XVII° siècle. Son gendre, Jean Paturle, en a
établi une généalogie qui trouve ses
premières traces au XII° siècle. Ses
ancêtres participent aux deux premières croisades,
à la bataille de Crécy, à celle d'Azincourt… La généalogie
suivie commence au milieu du XIV° siècle.
Châtelains de Crémieu dans l'Isère, ils
sont en général officiers (un autre de ses
ancêtres participera à la bataille de Pavie, puis
à celle de Marignan),
avant de devenir magistrats au XVIII° siècle, date
à laquelle ils unissent à leur nom de Botu celui de Verchère,
l’une de leurs propriétés voisine de
Crémieu. Au moment de la
Révolution, Michel Botu
de Verchère,
l'arrière grand père de
Marie-Thérèse est Inspecteur des Finances du Roi
pour le Dauphiné. Il émigre à Vienne,
puis revient comme Procureur Impérial, puis Procureur du Roi
à Tournon. Son fils Emile,
le grand-père de Marie-Thérèse, est
avocat, puis juge à Privas. Il a une fille, Marie qui
épouse James de La Rochette, dont sont issus nos seuls
cousins du coté Botu
de Verchère,
les de La Rochette et les de Fenoyl,
et un fils Joseph (1848-1899), le
grand-père de Manu. Celui-ci, qui semble avoir
été rentier (il possède des vignes
d'appellation Tain l'Hermitage). Il habite à Saint
Jean de Muzols,
près de Tain, épouse Marie Agathe Axeline Garnier de Pélissière.
Ils n'ont qu'un seul enfant, Marie-Thérèse, avec
qui s'éteindra la famille Botu
de Verchère.
Marie-Thérèse Botu
de Verchère
naît à Saint Jean de Muzols
en 1885 ; elle a 14 ans quand meurt son père et 18
ans quand meurt sa mère. Elle est alors prise en charge par
son oncle Joseph de Pélissière,
qui la marie en 1904 à Charles Bon. Elle a 19 ans. L'origine
de ce mariage tient sans doute à l'amitié qui
unissait le grand-père de
Marie-Thérèse avec M. Caffarel,
lui-même Procureur du Roi, qui avait une
propriété à Gières,
près de Grenoble, où les Botu
de Verchère
furent souvent reçus, et où le père de
Charles, qui fut deux fois en garnison à Grenoble aurait pu
les connaître. Ces liens durèrent, puisque les Caffarel, sans descendance,
vendirent leur propriété de Gières à
Emmanuel Bon, l'oncle de Charles, qui finit par en hériter. Le mariage civil a lieu
le 16 novembre 1904 à Saint Jean de Muzols
et le mariage religieux le 17 novembre à Gières, chez les Caffarel. Les jeunes
époux s'installent à Beaune, au 3 rue de la Gare
(aujourd'hui avenue du 8 septembre) où leur premier enfant,
Emmanuel, dit Manu, naîtra le 17 novembre 1906, le jour de
leur second anniversaire de mariage. Son prénom est celui du
seul frère de son grand-père, mais
peut-être surtout celui du frère le plus proche de
son père Charles, né deux ans après
lui et mort à 21 ans; ses autres prénoms, outre
Marie, comme il se doit dans une famille catholique, sont ceux de ses
deux grands-pères. La naissance L’an mil neuf cent six,
le dix neuf novembre à onze heures du matin, heure
légale, par devant Nous, Jules Girodit,
Officier d’Académie, premier adjoint et Officier
d’Etat-Civil
de la Ville de Beaune délégué, a
comparu Charles-Alfred-Gabriel-Marie
Bon, Lieutenant au seizième régiment de Chasseurs
à cheval en garnison à Beaune, y demeurant avenue
de la gare numéro trois, âgé de
vingt-sept ans, lequel nous a présenté un enfant
de sexe masculin, né à Beaune le dix-sept
novembre présent mois à trois heures du matin,
heure légale, en la maison paternelle, du mariage
contracté à Saint Jean de Muzols (Ardêche)
entre le déclarant et Marie-Thérèse-Ernestine-Emilie
Botu de Verchère, sans
profession demeurant avec lui âgée de vingt ans,
auquel enfant il a donné les prénoms de Emmanuel-Marie-Gabriel-Joseph.
Lesquelles déclarations et présentation Nous ont
été faites en présence de Joseph-Marie-Justin de Pélissière,
rentier, demeurant à Grenoble (Isère)
âgé de cinquante ans, grand oncle de
l’enfant, et de Maxime d’André,
Capitaine Commandant au Seizième régiment de
chasseurs à cheval demeurant à Beaune
âgé de quarante deux ans, lesquels ont
signé avec nous le présent acte après
relecture. Ce lieu de naissance permettra
à Manu de souligner qu’il était
né « sous les meilleurs
Hospices »…. L’enfance Il ne resta pourtant que quelques
semaines en Bourgogne car son père est
muté, dés la fin de 1906 à Valence,
dans un autre régiment de cavalerie qui le rapproche
beaucoup des vignes de Saint Jean de Muzols
qu’il doit gérer pour le compte de sa femme.
C’est à Valence qu’en 1912
naîtra sa première sœur, Bernadette.
Pendant près de cinq ans, il fut non seulement le fils
unique de ses parents mais aussi le seul petit enfant de sa famille
puisque ses premiers cousins, Christiane Bon (fille
aînée de Jacques) et Georges (fils
aîné de Marie Piet) ne naissent qu’en
1911. En 1910, son père est muté à
Chalons sur Marne, mais il n’est pas clair que sa famille
suive puisque Bernadette naît à Valence. Au tout
début de la guerre de 1914 sa seconde sœur,
Geneviève, naît à Grenoble,
où peut-être la famille s’est
abritée chez l’oncle Emmanuel Bon. Manu part pendant la guerre au
collège des jésuites de Mongré,
près de Lyon, où il est pensionnaire pendant que
son père s’illustre sur des champs de bataille
où hélas la cavalerie ne sert plus à
grand' chose… Charles Bon est plusieurs fois
blessé mais survit à une guerre qui tuera son
jeune frère Bernard et son beau-frère Paul
Laurent; il terminera la guerre à l’Etat-major de la
Troisième Armée du Général
Humbert et participera à ce titre à la
conférence interalliée de Doullens qui nommera le
général Foch Commandant suprême des
troupes alliées. Un premier frère,
Joseph, naît à Marseille, sans doute chez son
grand-père Bon en août 1918. Trois
autres fils suivront : Xavier, qui naît en juillet
1920 à Chambéry, ou son père est
brièvement en garnison, Gabriel qui naît en
novembre 1921 et meurt en juin 1923, un mois juste avant la naissance
du petit dernier, Pierre. La jeunesse Manu poursuit ses
études, toujours à Mongré,
et passe son bac de philosophie en 1923 il n’a pas encore 17
ans, puis son bac de Mathématiques Elémentaires
en 1924. Il décide alors de préparer le concours
d’entrée à Saint Cyr, mais échoue et
ne se représente pas une seconde fois : son
père vient de quitter l’armée dont les
effectifs sont pléthoriques au lendemain de la guerre, et
où sans doute sa famille juge les perspectives un peu
encombrées. En 1921 ses parents se sont installés
au 59 rue Jean Jaurès à Villeurbanne, dans la
banlieue de Lyon où son père est Chef d’Etat Major de la
Sixième division de Cavalerie, puis Lieutenant Colonel au
2° Dragons. Il fait son service militaire
à Lyon de novembre 1926 à novembre 1927 au
18° régiment de Génie. Il le termine
sergent avec une spécialisation de radio. Il commence alors
à travailler avec son père qui est devenu
représentant d’une affaire de traitement des eaux,
Phillips et Pain.
Il a vingt et un ans. Le mariage Depuis que la maison du Vernois a
été vendue par son Grand-père, Manu
passe une partie de ses vacances chez sa tante Yvonne (dite
« Néné »)
Celle-ci a en effet épousé au lendemain de la
guerre Edouard Favre,
un officier d’artillerie qui est veuf avec cinq enfants et
possède une maison à Menthon
Saint Bernard, au bord du lac d’Annecy. Manu (1906) est le
seul des neveux de Néné a avoir
l’âge des aînés de ses
beaux-enfants, François (1903), Jean (1904),
Thérèse (dite Zézou) (1905) et
Marguerite (dite Goty)
(1907). La mère de ceux-ci, morte en 1910 s'appelait Marie
Aussedat, c’est la sœur de Louis Aussedat.
Naturellement pendant les vacances, Manu rencontre les nombreux cousins
Aussedat des Favre. Parmi eux il remarque Mathilde, l’une des
filles de Louis Aussedat, et qui est donc une cousine germaine des
beaux-enfants de Néné Favre. Elle est
née à Annecy le 15 juillet 1910 et est la
troisième d’une famille de onze enfants. Ils se
marient le 26 décembre 1930 en l’église
Saint Maurice d’Annecy ; il a vingt-quatre ans et
elle en a vingt. Mathilde Aussedat et les Aussedat La famille Aussedat s’est
établie à Annecy à la fin du XVIIIe siècle pour y
installer un moulin à papier. La fabrication du papier
était le métier des Aussedat depuis
très longtemps, d’abord en Auvergne,
d’où ils sont originaires, puis à
Annonay, où ils travaillent avec les Montgolfier et enfin en
Savoie, à l’époque un pays
étranger. Les ancêtres de Mathilde, Augustin,
Alexis puis Jean-Marie I et Jean-Marie II font grandir leur usine de
Cran Gévrier,
installée aux portes d’Annecy sur le Thiou qui est
le déversoir du lac et ils sont à la fin du XIXe siècle des
notables de leur ville. Le père de Mathilde, Louis,
n’est pas l’aîné et
n’entre donc pas dans la papeterie familiale.
Après des études d’ingénieur
à l’Ecole
Centrale à Paris, il revient à Annecy pour y
créer, avec des capitaux de sa famille, la
première société de production et de
distribution d’électricité de la ville,
les « Forces du Fier »,
à partir du nom de la rivière sur laquelle il
établit un barrage. Il se marie en 1907 avec
Marie-Louise Balleydier, la fille d’un notable local,
à qui il offre en guise de cadeau de fiançailles
le château d’Aléry, situé au
dessus d’Annecy, qu’il restaure. C'est
très probablement là que Manu fit la connaissance
de Mathilde. Celle-ci, surnommée Mythil,
naît en 1910, après Jean en 1908 et Marguerite
(Margot) en 1909. L'une des sœurs de Louis Aussedat est
religieuse du Sacré Cœur : c'est donc
là que Mythil
fera ses études, comme pensionnaire à Avigliana, près de
Turin, où les sœurs du Sacré
Cœur se sont repliées après
l’expulsion de France des congrégations
religieuses. Elle passe son baccalauréat en 1928, ce qui est
très rare à l’époque (moins
de mille femmes par an), puis termine des études
d’infirmières avant de se marier. Villeurbanne (1930-1937) Les jeunes mariés
s'installent à Villeurbanne, au 17 rue Jean
Jaurès, à moins de cent mètres du 29
de la même rue où habitent Charles et
Marie-Thérèse Bon. Manu travaille avec son
père pour Phillips
et Pain, une société parisienne qui fait du
traitement des eaux et de la protection contre l'incendie, qu'ils
représentent pour la région. En 1930, il gagne 17
800 francs de l'époque, soit environ 35 000€ de
2006. Mythil ne
travaille pas, ce qui est la norme à l'époque
(aucune de ses sœurs et belles-sœurs ne
travaillera, sinon Rose-Anne après la mort de son mari), et
ils ont une domestique à plein temps qui loge chez eux. En 1931, toujours avec son
père, il devient représentant des Etablissements
Céramiques Boiron,
une société installée à Briennon dans la Loire, qui
produit des matériaux de construction. Alors que sa
sœur Margot enchaîne les naissances (Paule en 1930,
Marthe en 1931, France en 1932, Odile en 1934), Mythil
peine à suivre… Finalement, après
trois ans et demi de mariage qui manifestement ont
semblé longs à ses parents, Régis
naît le 9 mai 1934 à Annecy, chez sa
grand-mère Aussedat. L'arrivée à
Grenoble Quatre ans plus tard, le 25 mai
1938, peut-être à cause de la crise
économique qui a du frapper les
débouchés des produits qu'il vend,
peut-être aussi pour rapprocher sa femme de sa sœur
chérie Margot, Manu entre dans une affaire de succursalisme
alimentaire, Genty, qui
est dirigée par le mari de Margot, Albert Giraud Mounier.
Installée à Grenoble, cette affaire
gère un entrepôt, situé avenue du
Maréchal Randon, où Manu aura son bureau, et une
quinzaine de points de vente, dans l'agglomération de
Grenoble, mais aussi à Chambéry et Romans. Ce
sont des magasins d'une centaine de m2 qui vendent des produits
d'épicerie sèche, du café et des
liquides. A l'entrepôt, on met le vin en bouteilles et on
torréfie le café. Manu y est une sorte de
directeur commercial, et supervise les magasins. Manu, Mythil
et Régis s'installent à Grenoble au
4° étage (sans ascenseur) du 11 de la rue Docteur Mazet, au coin de l'avenue Felix Viallet,
dans un bel appartement de six pièces avec vue sur le Moucherotte et la
chaîne de Belledonne. C'est là que, le 22 novembre
1938, quelques mois après leur arrivée,
naît Marie-Françoise. Malheureusement, moins de
dix mois plus tard, commence
la seconde guerre mondiale. La guerre Le 2 septembre 1939 Manu est
rappelé comme sergent-chef au 28°
régiment du Génie, 95° compagnie de
radio, à la 5° DINA.
Il est affecté en Lorraine, et fera, pendant la
"drôle de guerre" une brève incursion en
territoire allemand. Après l'attaque du 10 mai, il remonte
vers le Nord et la mer, pendant que sa famille quitte Lyon pour se
replier à Saint Jean de Muzols.
Il est cité à
l'ordre du Régiment : Gradé courageux
d'un inlassable dévouement joint à une
très haute conception du devoir. A assuré
toutes les missions qui lui ont été
confiées sous de violents bombardements, en particulier
à Jeanlain
le 19 Mai 1940 et le 28 mai entre Phalemepin
et Vieux Berquin. Cette citation vaut attribution de la Crois de Guerre
avec étoile de bronze. (JO du 26 mai 1941) Le 29 mai 1940, il est fait
prisonnier à Steenwerk
(Nord). De là il partira pour une longue
pérégrination à travers l'Allemagne
puis l'Autriche où à
la mi juillet il est affecté au stalag XVIII
A. Avant de quitter la France il est parvenu à
envoyer à sa femme un court mot, qu'elle recevra le 22
juillet : "Je suis prisonnier depuis avant-hier soir mais je
suis très bien traité et tu n'as à
t'inquiéter en aucune façon. Je t'aime et je
t'embrasse ainsi que tous". Ce n'est que bien plus tard
qu'elle aura l'adresse de son camp et parviendra à lui
donner des nouvelles, sa première lettre ne lui
parvenant que le 15 septembre, six mois après sa
dernière permission. Après quelques semaines au
camp, il est envoyé à Mayechofen,
à une vingtaine de kilomètres de Klagenfurt (Karnster), dans l'une des fermes
du château de St Salvator qui appartient à la
famille von Knapistch. Il y restera jusqu'en
mai 1941, avec au milieu un épisode de cinq mois
à construire une route de montagne à
proximité. Il rentre au camp à sa
demande, parce qu'il pense qu'il y aura plus de chances de se faire
rapatrier; en effet la rumeur court d'un accord entre Vichy et
l'Allemagne sur ce sujet. Il multiplie les tentatives,
échoue à se faire passer pour breton quand on
rapatrie les bretons, pour père de plus de quatre enfants
quand on libère les soutiens de famille, et même
pour ancien combattant quand c'est le tour ce ceux-ci. L'officier
allemand qui examine sa demande, constatant qu'il n'avait que douze ans
à la fin de la guerre lui dit :"Fallait-il que vous nous
haïssiez"! Finalement il réussit, après
avoir habilement maquillé son livret militaire où
il transforme sa qualité de radio en celle de radiologue
à se faire rapatrier comme médecin. Sur la route
du retour, il croise à la gare de Dijon son cousin Jacques Vidil, qui n'est pas
marié mais médecin et qui est, lui,
rapatrié comme soutien de famille ! Il arrive à Lyon le 18
mars 1942 où il est démobilisé et
retrouve sa famille, qu'il n'a pas vue depuis deux ans, et son travail
chez Genty. Sa
sympathie va à la Résistance mais il ne s'y
engagera que marginalement de peur de trop exposer sa famille. Il
aidera par exemple le frère de Michel Pignal, à
cacher des armes dans les magasins Genty !
Il faut dire que quelques mois après le retour, Mythil est à nouveau enceinte, de Michel, qui
naîtra le 5 juillet 1943. Quelques jours plus tard les
troupes américaines débarquent en Sicile ce qui
aura pour conséquence le passage des Italiens dans le camp allié. Depuis novembre
1942, c'étaient eux qui occupaient Grenoble et ils laissent
dès lors la place aux Allemands, qui seront nettement moins
accommodants. C'est pendant cette
période sombre que,le
11 mars 1944 meurt le père de Manu, qui avait lui aussi fini
par quitter Villeurbanne pour venir habiter
Grenoble. La fin d'août 1944 trouve la famille au Brigon, à Gières, dont Charles
Bon a hérité après la mort de la tante
Ada, en 1943. C'est là que se déroule le seul
combat préalable à la libération de
Grenoble, avec quelques obus dans le parc. Xavier, le frère
de Manu, est parvenu à s'échapper du maquis du
Vercors après l'attaque allemande, et rejoint alors les
troupes françaises libres. L'après guerre Après la guerre la vie
reprend à Grenoble, éclairée par la
nouvelle grossesse de Mythil,
qui mettra au monde Marie-Ange le 9 avril 1946. Hélas,
Régis tombe malade. Son affection, mal
diagnostiquée par un médecin cousin de la
famille, se révèlera être le rhumatisme
articulaire aigu. Si cette maladie se soigne aujourd'hui facilement
à la cortisone, ce n'est pas le cas en 1947, et
Régis meurt le 24 mars; il n'a pas tout à fait
treize ans. Le même jour, le frère de Manu,
Joseph, devenu chez les Dominicains le frère Bruno, est
ordonné prêtre à Saint Maximin (Var).
Il célèbrera sa première messe
à Grenoble pour les obsèques de son neveu
Régis. Ce choc terrible ébranle la
santé de Mythil
qui pendant quinze ans sera sujette à des
dépressions chroniques, que la médecine de
l'époque parvient mal à endiguer et qui finirent
par l'emporter. Les années cinquante C'est l'époque
où la vie professionnelle de Manu devient plus
intéressante. En effet, au milieu des années
cinquante, un épicier breton, Edouard
Leclerc, qui s'est taillé une réputation
à Landernau en vendant très bon marché
et en libre service dans un hangar, est invité à
ouvrir un point de vente à Grenoble dans un local qui lui
est fourni par le syndicat de la métallurgie, soucieux de
lutter "contre la vie chère". Coup de tonnerre pour Genty, qui est presque deux fois
plus cher ! Mais le pire est à venir. Un succursaliste
toulousain, M. Berthier, qui voit en Leclerc une menace qu'il faut tuer
dans l'œuf, décide de l'affronter à
Grenoble en y ouvrant une demi-douzaine de points de vente à
l'enseigne Saveco, aux
mêmes prix que Leclerc, mais bien placés et bien
présentés. Cette fois les ventes s'effondrent, M.
Genty vend ses
parts à Albert Giraud Mounier et celui-ci, avec l'aide de
son beau-frère Manu, essaie de reprendre pied. Ils y
parviendront assez pour intéresser un autre
épicier, de Saint Martin d'Uriage, Paul Cathiard, à
s'associer à Genty,
qui devient vers 1960 Genty-Cathiard.
L'entrepôt et les bureaux sont
transférés à Sassenage dans les
années 50. Du coup la famille prend l'habitude de passer le
gros de ses vacances à Lans
en Vercors, ce qui permet à Manu de la rejoindre tous les
soirs. Pendant l'été
1954, le 17 juillet, Marie-Thérèse Botu de Verchère
meurt à Grenoble, à 68 ans. La
propriété de Gières
est vendue, et celle de Saint Jean de Muzols
est donnée au curé et sert aujourd'hui de foyer
paroissial. Quelques années plus tard, Joseph Bon, le
dominicain, meurt à Toulouse (le 3 novembre 1959,
à 41 ans), ce qui affecte beaucoup Manu qui avait une
relation forte avec son frère qui l'avait beaucoup
aidé dans les épreuves de la mort de son fils et
de la maladie de sa femme. Un des dominicains qui avait
été ordonné la même
année que lui écrira de son frère : "Nomen
significat rem" (le nom désigne la
chose). En 1957,Marie-Françoise
part poursuivre ses études à Paris, pour devenir
"jardinière d'enfant"; on dirait aujourd'hui moins joliment
éducatrice de jeunes enfants. Elle a
18 ans, est ravissante et le chic de Paris l'auréole
davantage encore. Dans la foule nombreuse des prétendants se
dégage bientôt un jeune ingénieur
ardéchois qui revient d'un long service militaire (c'est
l'époque de la guerre d'Algérie) comme officier
de marine. Il est le fils d'une sœur de Michel Pignal, lui
aussi officier de marine, qui a épousé Marthe, la
jeune sœur de Mythil
et qui est le parrain de Michel. Toute la famille applaudit donc
à leurs fiançailles qui se déroulent
pendant l'été 1959 à Aléry.
Marie Françoise épouse La mort de Mythil La maladie de Mythil, hélas,
perdure, en dépit du bonheur du mariage de sa
fille puis de la naissance, le 26 février 1961 du premier
petit enfant, Agnès Plantevin,
qui naît à Grenoble et passe ses premiers jours
après la clinique dans l'appartement de la rue Docteur Mazet. En septembre 1961, Michel part
préparer le concours des écoles de commerce au
Lycée du Parc à Lyon. C'est le dimanche de son
premier retour à Grenoble que Mythil
meurt à Grenoble, le 24 septembre 1961. Le soir
même, alors que la famille dîne tristement, on
sonne à la porte : c'est une petite toulousaine qui vient
faire ses études à Grenoble, n'a pas
trouvé de chambre et s'est souvenu que le Père
Bon lui avait dit d'aller chez son frère si un jour elle
avait des problèmes. Aucun autre
protégé du Père Bon ne
s'était jamais présenté avant elle :
pourquoi ce soir là
précisément ? Manu reste seul à
Grenoble, avec Marie-Ange qui a 15 ans, et Michel qui revient presque
tous les week-end. Marie-Françoise est installée
à Notre Dame de Briançon, un village industriel
où travaille Bernard, entre Albertville et Moutiers. Elle
s'occupe de son père de son mieux, tout en construisant sa
famille : Hervé naît le 7 octobre 1963 et Olivier
le 29 janvier 1965. Michel est reçu
à l'ESSEC et part pour Paris à la
rentrée de 1963, où il s'installe chez la tante Gry, la jeune sœur de
Charles Bon. Marie-Ange grandit, elle aussi ravissante, mais l'esprit
de 1968 commence à souffler et elle est plus
attirée par l'idée de profiter de sa jeunesse que
par celle de se marier à vingt ans comme sa
grand-mère, sa mère et sa soeur
aînée… Elle aussi partira pour Paris,
à la rentrée 1968, pour y faire le CELSA. Après la mort de sa
femme, Manu trouvera aussi un refuge dans son travail. Il s'entend bien
avec Paul Cathiard, et
surtout la concurrence et la modernisation du commerce rendent ce
travail plus intéressant. Il ouvre un premier
supermarché en libre service à Bourgoin, entre
Grenoble et Lyon, où il aura, le premier en France,
l'idée de vendre l'essence moins chère pour
attirer les automobilistes. Puis, en 1969, Genty
Cathiard riposte
à l'ouverture de Carrefour à Echirolles en ouvrant un premier
hypermarché à Saint Martin d'Hères,
entre Gières
et Grenoble, sous l'enseigne Record. Pour la campagne de lancement,
Manu imagine comme slogan :"Tous les carrefours mènent
à Record". Et Carrefour lui répond
sèchement, en publiant une liste de prix : "Record battu!"
Bref, on s'amuse plus qu'avant! En 1965, il quitte la rue Docteur Mazet, et ses souvenirs, pour
s'installer dans un immeuble moderne, face au parc Paul Mistral, au 18
boulevard Jean Pain, dans un appartement bruyant mais jouissant d'une
vue magnifique sur le Parc et sur la chaîne de Belledonne. La retraite A la fin de 1971, il atteint 65 ans
et quitte Genty-Cathiard,
après avoir aidé les deux enfants de Paul qui est
mort deux ans avant, à en prendre les rênes.
Ceux-ci, Daniel et Sylviane, diront plus tard à Michel, qui
les retrouvera lorsqu'il travaillera à Carrefour et leur
rachètera le magasin de Meylan, la reconnaissance et
l'affection qu'ils portaient à Manu. Pendant quinze ans, il va vivre
seul, sans occupation véritablement marquante. Quelques
coups de main à sa paroisse Saint Joseph pour le bulletin
paroissial, des cueillettes de champignons, beaucoup de bridge, mais au
total ses enfants ne savent pas grand-chose de sa vie, sans pour autant
s'en inquiéter tant celle-ci paraît claire. Les
vacances en sont le temps fort. Installé pour les
trois mois d'été à Menthon Saint Bernard dans la
maison qu'il loue depuis 1958, à l'angle de la Route des
Bains et de la Route du Roc de Chère, il y reçoit
ses enfants et petits-enfants. Il y est à la fois
hôtelier, restaurateur et gentil organisateur. Il consacre
ses matinées à ses tâches ancillaires
et à ses célèbres apéritifs
quotidiens qui attirent toute la famille après le bain du
matin, et ses après midi et soirées au bridge,
avec ses cousins Rocher et Favre. Il vient très rarement
à Paris où sont installés Michel et
Marie-Ange, et voit davantage les Plantevin
chez qui il déjeune tous les mercredi
après leur installation à Corenc,
dans la banlieue de Grenoble, à la fin des années
soixante-dix. Pendant toute cette
période, sa descendance s'élargit.
Marie-Françoise est enceinte de Tanguy (qui naîtra
le 4 septembre 1971) lorsque Michel épouse le 18 juin 1971
à Paris, à Saint Louis des Invalides, Catherine
Brunet de Sairigné,
la fille d'un héros de la Légion Etrangère et
Compagnon de la Libération. Un premier Bon, dont le
prénom de Charles-Emmanuel marque bien la filiation,
naît le 10 avril 1972. Il sera suivi de trois
sœurs, Eléonore le 26 janvier 1974, Domitille le
18 janvier 1978 et Adélaïde le 1er
mars 1981. Marie-Ange s'est aussi
mariée, deux ans après son frère, le 2
juin 1973, avec l'un des meilleurs amis de Michel, Marc Tessier, lui
aussi inspecteur des finances. Mais ce mariage ne prospérera
pas, et ils se quittent en 1975. Par la suite Marie-Ange
mènera une longue vie de couple, sans toutefois se marier,
avec André Harris, qui est à la fois producteur
de films ("Le Chagrin et la Pitié", "Français si
vous saviez") et auteur de livre avec son ami Alain de Sédouy. Le
neuvième et dernier petit enfant de Manu, Quelques semaines avant la
naissance de Virgile, Manu vit intensément le drame des Plantevin qui perdent
brutalement leur fils Olivier, le 26 mars. Le visage
bouleversé de Manu, au bord de la tombe qui abrite
déjà sa femme et son fils et s'apprête
à accueillir son petit-fils est resté dans les
mémoires. Il ira peu après chercher un peu de
paix dans le couvent des Dominicains de Toulouse ou avait
vécu son frère. La mort Rendu sceptique sur la
médecine par les maladies mal soignées de sa
famille et bénéficiant, malgré les
épreuves de la captivité, d'une très
bonne santé, Manu ne voit jamais de médecins,
sinon pour jouer au bridge où il les voit sans surprise
faire le mort. Il a pourtant une première alerte dans les
années 1970, où il est hospitalisé
brièvement à Annecy pour des calculs de
la vésicule, mais quitte subrepticement
l'hôpital lorsqu'on prétend vouloir faire un check
up complet. Marie-Françoise, qui l’accompagne
à l’Hôpital s’entend dire
à l’accueil : « on va
créer votre père », car jamais
depuis la création de la Sécurité
Sociale il n’a rempli de feuille de maladie ! L'été 1988
s'annonce prometteur à Menthon,
car Agnès Plantevin
va épouser un de ses camarades de l'Ecole
d'Agronomie de Montpellier, Marie-Françoise, elle, a
du se résoudre à partir la veille pour
l'Ardèche où, le 27 août, se marie
Agnès. La messe d'enterrement a lieu le 29 août
dans l'église de Menthon,
où s'est mariée sa fille Marie-Ange quinze ans
plus tôt et où se mariera sa petite fille
Domitille quinze ans plus tard. Le soir, il rejoint ceux qu'il a tant
aimés dans la tombe de Gières. Michel Bon, 17
novembre 2006
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