HENRI AUSSEDAT
(1912-1959) Né le 20 mars 1912 à Annecy
(Haute-Savoie), Retour accueil famille Henri Aussedat Né
le 20 mars 1912 rue des Marquisats à Annecy, il est le 4ème enfant
et le second fils du ménage de Louis
Aussedat et de Marie-Louise,
née Balleydier. Il mène ses études secondaires en internat au collège
jésuite de Mongré à Villefranche-sur-Saône qui a
déjà accueilli son père, son frère, ses oncles. On rapporte dans la famille
qu'il fut décontenancé en arrivant la première fois à l'internat à 7 ans. Il
fallait bien évidemment ôter ses chaussures pour prendre la douche. Mais
jusque là, c'est toujours Augusta, la bonne d'enfants, qui avait lacé ses
chaussures, et il n'était pas sûr de savoir le faire lui-même. Il aurait donc
pris par précaution sa douche avec ses chaussures ! Vacances sportives : la bande des cousins
Aussedat, Favre, Paturle crée toutes les occasions possibles d'excursion en
montagne à pied, à ski, en vélo, sans compter les baignades dans le lac
d'Annecy et le tennis. Vacances joyeuses, car la même bande de cousins
est toujours prête à faire et raconter des blagues à organiser des fêtes.
Louis et Marie-Louise aiment rire, ont de l'humour, et apprécient cette vie de
famille très vivante dans laquelle Henri tient bien sa part. Il est
d'ailleurs probable que l'histoire des chaussures dans la douche était l'une
des nombreuses mystifications dont cette joyeuse famille était coutumière.
Doué
d'un contact facile, chaleureux et souriant, aimant plaisanter, il démarre
donc dans la vie active à 20 ans, juste après son bac, comme représentant dans
l'entreprise familiale de papeterie. Il est affecté au dépôt de la
Plaine-Saint-Denis d'où il couvre le nord-ouest la France, du Pas de Calais à
la Basse Normandie, en train et autocar, sa valise d'échantillons à la main.
Il saura rapporter de ces déplacements d'innombrables histoires drôles qu'il
saura parfaitement bien trier pour n'en retenir que celles de bon goût. De
belle stature, se tenant bien droit, mince, il est très élégant. De par sa
profession commerciale, mais surtout par goût, il aura toujours une tenue
vestimentaire impeccable, généralement un costume 3 pièces, pochette blanche,
col amidonné, chaussures brun-rouges, chapeau mou
et cravate soignée ; pour cette dernière, il aura tendance après guerre à ne
plus s'éloigner du rouge bordeaux uni, et sera toujours intraitable sur la
qualité d'infroissabilité (qu'il testait dans le magasin sous le regard
médusé des vendeuses ! ). Il n'aura jamais besoin de
lunettes …Et contrairement à ses 4 fils qui hériteront des gènes de diverses
calvities familiales, principalement Duburquois, Henri a, comme la plupart de
ses frères, les cheveux bien fournis
et solides, caractéristiques des Balleydier. A
Paris, il est logé dans un hôtel proche de la Gare de l'Est et retrouve
souvent ses cousins chez sa tante Néné Favre au 12 bis avenue
Bosquet. C'est là qu'il fait la connaissance en 1935 d'Alix Duburquois, jeune
Rennaise qui vient à Paris pour visiter les musées, et qu'une amie de ses
parents a introduite dans le cercle de jeunes que réunit son amie Néné Favre.
C'est un coup de foudre immédiat de part et d'autre et le début d'un amour
qui ne faiblira plus. Ils se marient à Bourg des Comptes le 16 juillet 1936.
Il a 24 ans, elle 15 mois de plus. Ils s'installent 21 rue La Bruyère (Paris
9°), dans le calme quartier Saint-Georges. Il
avait eu la douleur de perdre en 1933 sa sœur Gady dont il était très proche
(elle avait 20 mois de moins que lui), et en 1935 son père, Louis, mort
prématurément à 58 ans d'une crise cardiaque, comme toutes les générations
précédentes de la famille Aussedat. De même, il sera très affecté par la mort
accidentelle en juillet 1946 de son frère aîné Jean dont il a partagé la
chambre de nombreuses années de jeunesse.
1936 Renvoyé
du service militaire au bout de 3 mois en raison d'un souffle au coeur
consécutif au rhumatisme articulaire aigu de sa jeunesse, il réussit
néanmoins à tromper le médecin en 1939 pour être engagé volontaire comme
canonnier de DCA, alors qu'il a déjà deux enfants. Il est déçu par la perte
de temps pendant les quelques mois de la "drôle de guerre" qu'il
passe au fort de Montessuy à Lyon : beaucoup plus
de corvées de pluche ou de gardes que d'entraînement militaire. Sa famille est venue s'installer à proximité
(voir les souvenirs
de guerre d'Alix). Il est envoyé en avril à Voves, près de Chartres, puis
à Chevry-Cossigny, près de Brie-Comte-Robert. Mais il est encore plus déçu par les ordres
incessants de repli sans combat (car il fallait économiser les munitions et
ne surtout pas provoquer l'ennemi !!) pendant la phase de mai-juin
1940 qui le mène de la Brie au pont de Gien, puis au Lot-et-Garonne, (Leyritz Moncassin, à
proximité de Casteljaloux). De ce fait, il refusera toujours de porter sa croix
de guerre dont il estime qu'elle ne correspondait à rien.
1940, engagé volontaire, canonnier de DCA
En
avril 1944, alors que son oncle Maurice est en déplacement à Annecy, Henri
doit prendre les premières dispositions d'urgence suite au bombardement
du dépôt de la Plaine Saint Denis. Dans toute cette période de Pâques à
la fin de l'été 1944, sa famille est
mise à l'abri à la Gouverdière et à la Ville-Thébault
(ferme appartenant à Alix sur la commune voisine de Laillé,
voir souvenirs
de la Libération rédigés par Alix), et il est seul au moment de la
libération de Paris, pendant laquelle il rédige quelques pages de journal
. Il avait également rédigé un journal au début de la guerre, mais celui-ci
semble avoir disparu ainsi que ses nombreuses lettres donnant des nouvelles
dans toute cette période. Avant
guerre, il avait milité aux Croix-de-Feu
du Colonel de la Rocque. Lorsque ce mouvement avait
été dissout en 1936, il avait adhéré au Parti Social
Français du même Colonel de la Rocque, parti de
droite d'inspiration patriote et chrétienne sociale dont les membres après la
guerre se répartiront entre CNIP,
MRP
et RPF. Sans engagement particulier pendant la guerre
(quoiqu'il ait été en contacts avec des cousins et amis des deux bords et
qu'il ait cherché avec attention à comprendre les arguments des uns et des
autres), il restera cependant fidèle par la suite au souvenir du Maréchal
Pétain en qui il a surtout vu le défenseur de la patrie, et il conservera une
méfiance vis-à-vis du général de Gaulle dont il estime qu'il a laissé
s'exercer à la Libération trop de vengeances déchaînées, exécutions sommaires
et promotions express de "résistants de dernière heure". Il lui
arriva parfois au cours d'un repas familial dans les années 1950 de commencer
à faire l'éloge du Maréchal, mais Alix, craignant que la conversation ne
tourne à l'aigre, savait le couper d'un sec " Henri, pas devant les
enfants". Gardant par ailleurs toute sa vie un très fort esprit patriote
qu'il souhaitait transmettre, il ne manquait aucun défilé du 11 novembre avec
ses enfants.
Dans
les années d'après guerre les Henri alternent vacances à Aléry et à l'île de Batz,
où Henri passe des heures entières à pêcher la crevette. Resté profondément
amoureux de la Savoie, il a néanmoins tout aussi profondément adopté cette
rude et simple vie qu'étaient à l'époque les vacances tout au bout de la
Bretagne. En
1953, alors que la famille a atteint son niveau définitif de 8 enfants, le
ménage doit faire face à deux acquisitions importantes. D'abord l'appartement
de la rue de Villersexel mis en vente par son propriétaire. Puis la Gouverdière
qui était gérée par le colonel Duburquois, père d'Alix, depuis la mort de sa
femme en avril 1943, et qu'il faut racheter à l'indivision du frère et des
sœurs d'Alix, vidée de la plupart de ses meubles, en mauvais état, et manquant du plus élémentaire confort
(pas d'eau courante, électricité au rez-de-chaussée uniquement, pas de
chauffage, pas de téléphone). Voir les souvenirs d'Annik sur l'arrivée
à la Gouverdière à Pâques 1954. Il leur faudra investir et travailler
eux-mêmes d'arrache-pied pour rendre cette maison capable d'accueillir les
innombrables cousins et amis de passage. C'est
dans ces quelques années de vacances à la Gouverdière qu'Henri découvre la
chasse au contact de sa belle famille et acquiert même Mickey, un épagneul
breton chien d'arrêt. Bridgeur passionné, comme toute sa famille, il bridge
régulièrement avec les Bernard et les André Favre, un ami "cet excellent
Monsieur Meyers", parfois les Rocher. Responsable
des services commerciaux parisiens de la Papeterie, Henri travaille
étroitement avec le réseau commercial de Bull qui est distributeur des cartes
perforées, la grande spécialité porteuse de l'époque. Il s'occupe également
en direct de tous les grands comptes. Sa carrière à la Papeterie a coïncidé
en grande partie avec l'aventure de la carte perforée qui se poursuivra
encore une quinzaine d'années au-delà. Ce travail est souvent envahissant :
il lui arrive très régulièrement de rapporter du travail le dimanche à la
maison et même de raccourcir ses vacances, en particulier celles d'Aléry
situées trop près de la papeterie.
Dans
les souvenirs de ses neveux et nièces, il était l'oncle toujours de bonne
humeur qui racontait le soir des histoires qui faisaient rire (spécialement
tout une collection d'histoires de Ouin-Ouin,
d'origine Suisse, et de Marius et Olive, d'origine marseillaises) ou qui
faisaient peur (en particulier "les 7 chambres" qui était
réellement terrifiante, celle du chauffeur fou de Madame Deutsch de la
Meurthe, ou les histoires du nain vert et du géant noir). Certains cousins
ont encore le souvenir des histoires de ce gentil nain vert et ce vilain
géant noir qui étaient censés se déplacer dans les souterrains d'Aléry et qui
venaient frapper aux fenêtres dans la nuit. Une fois, ayant bien terrorisé
ses neveux et nièces juste avant qu'il aillent se coucher, il alla un peu
plus tard frapper au carreau de la grande chambre des filles au 1er
étage en s'aidant d'une échelle (avec la complicité d'Alix qui tenait
l'échelle !). Cris de terreurs des nièces (un peu plus exagérés que nécessaire),
et fureur de certaines tantes qui craignaient que leurs enfants n'en soient
marqués durablement. Petite
anecdote bien caractéristique de son humour, rapportée par sa nièce Béatrice
Aussedat (Lacroix). C'est lui qui, en remplacement d'oncle Jean,
l'accompagnait à l'entrée de sa messe de mariage. Celle-ci avait lieu à Saint
Séverin, paroisse dont le parvis était traditionnellement envahi de
clochards. Histoire de faire rire la mariée, il lui glisse à l'oreille en les
désignant : " Ça doit être la belle-famille : je n'en reconnais aucun
!" Doté
d'une voix juste, il avait également conservé un bon répertoire de
chants de variétés des années 1920-30, d'opérettes et d'opéra-bouffe. Parmi ses préférées : tout Botrel (le grand
Lustukru, le métayer, le petit Grégoire etc.), tout
va très bien Madame la marquise, le château du moyen-âge,
l'enterrement de ma pauvre belle-maman, les p'tites
dames de Saint Gervais, ta femme mon vieux chose, et bien sûr les deux "hymnes
savoyards" : "Allobroges vaillants" et "étoile des
neiges". (voir fiche du répertoire
Henri Aussedat). Jean-Louis
a un souvenir particulier du répertoire de papa : sa chambre étant située
contre la salle de bain, il entendait tous les matins papa qui venait se
raser en chantant avec conviction
"Minuit chrétiens, c'est l'heure solennelle, où l'enfant-Dieu descendit parmi nous, pour effacer la tâche
originelle, et de son père effacer le courroux…Merde, je m'suis
coupé…Alix ! je saigne comme un cochon !" Jean-Louis n'a jamais compris
pourquoi c'est toujours dans le Minuit chrétiens qu'il se coupait, ce qui
arrivait au moins une ou deux fois par semaine compte tenu du mauvais état
des lames à l'époque. Il ajoute qu'il lui a fallu attendre la messe de Noël à
Oran pendant son service pour connaître la fin du couplet . Chrétien
convaincu et très priant, il chante avec ardeur en latin comme en français
(il y a dans cette période plus de stabilité liturgique qu'aujourd'hui, et il
peut continuer à chanter tout le répertoire religieux appris chez les
jésuites). Mais
son rhumatisme articulaire avait
provoqué un rétrécissement mitral qu'on ne savait pas opérer à cette époque.
En mars 1959, suite à une alerte cardiaque, il doit réduire son activité
professionnelle, se sachant condamné à court terme.
Ses derniers mois sont moralement difficiles, et il lui arrive d'avoir des
moments de découragement et de révolte, mais sans que cela soit perceptible
par les enfants. Il meurt d'un infarctus le 2 septembre, à 47 ans, dans une
vaste salle commune de l'hôpital Boucicaut où il avait été admis en urgence
le matin même, transféré au dernier moment dans une petite salle un peu
isolée , entouré par sa femme. Il laissait 8 enfants de 8 à 22 ans qui
resteront très marqués par cette rupture brutale. Voir sa notice
nécrologique parue dans "Par Chemins de Savoie", publication
interne des Papeteries Aussedat, et le beau texte
de méditation écrit juste après sa mort par son beau-frère Michel Pignal.
Ces deux textes soulignent les traits dominants de sa personnalité, outre sa
bonne humeur : l'attention aux autres et surtout la bonté. Déjà, dans son
discours aux noces
d'argent de ses parents en 1932, son frère aîné Jean, passant en revue
toute la famille, avait parlé en ces termes de son frère, qui avait alors 20
ans : Voilà bien Henri là-bas : on ne fait pas plus brave. En octobre il
sera bachelier et les plus brillantes carrières lui seront ouvertes. Je le
vois plus tard homme politique célèbre considérable et considéré vers qui son
pays reconnaissant tournera constamment les yeux et que les autres peuples
admireront avec déférence. Comme
l'a souligné sa cousine tante
Zézou Dor dans ses souvenirs, cette bonté était une tradition familiale
profondément ancrée au cœur de tous. Elle précise : Oui. la bonté pure,
qui croit en celle de l'adversaire. Souvent, cette foncière bonté était
blessée, mais elle se haussait au-dessus d'elle même par l'indulgence, et tôt
ou tard, tout rentrait dans l'ordre. En toute vérité, on pouvait se référer à
la bonté Aussedat et on pouvait la remarquer même chez les tout jeunes.
Cette tradition familiale rejoignait la devise de notre vieil oncle Maurice
Henry-Coüannier, officier de marine célibataire mort en 1919 : "Soyez
bons, bons toujours, bons quand-même" Alain
Aussedat, mars 2008 |