HENRI AUSSEDAT (1912-1959)

 

Né le 20 mars 1912 à Annecy (Haute-Savoie),
mort le 2 septembre 1959 à Paris 15ème, à 47 ans.
Marié le 16 juillet 1936 à Bourg des Comptes (Ille et Vilaine)
avec Alix Duburquois (1910-1998)

 

 

Retour accueil famille Henri Aussedat

 

Né le 20 mars 1912 rue des Marquisats à Annecy, il est le 4ème enfant et le second fils du ménage de Louis Aussedat et de Marie-Louise, née Balleydier. Il mène ses études secondaires en internat au collège jésuite de Mongré à Villefranche-sur-Saône qui a déjà accueilli son père, son frère, ses oncles. On rapporte dans la famille qu'il fut décontenancé en arrivant la première fois à l'internat à 7 ans. Il fallait bien évidemment ôter ses chaussures pour prendre la douche. Mais jusque là, c'est toujours Augusta, la bonne d'enfants, qui avait lacé ses chaussures, et il n'était pas sûr de savoir le faire lui-même. Il aurait donc pris par précaution sa douche avec ses chaussures !

 

 Vacances sportives : la bande des cousins Aussedat, Favre, Paturle crée toutes les occasions possibles d'excursion en montagne à pied, à ski, en vélo, sans compter les baignades dans le lac d'Annecy et le tennis.  Vacances joyeuses, car la même bande de cousins est toujours prête à faire et raconter des blagues à organiser des fêtes. Louis et Marie-Louise aiment rire, ont de l'humour, et apprécient cette vie de famille très vivante dans laquelle Henri tient bien sa part. Il est d'ailleurs probable que l'histoire des chaussures dans la douche était l'une des nombreuses mystifications dont cette joyeuse famille était coutumière.


 De ses études chez les jésuites, il conservera, comme beaucoup de personnes de cette génération et de ce milieu, la capacité à citer des pages entières de grec et de latin. Mais à la suite d'un gros problème de santé (angine mal soignée dégénérant en rhumatisme articulaire) il revient faire sa terminale au lycée Berthollet d'Annecy, passe son bac en octobre 1932, et embraye directement sur la vie professionnelle sans études. Il semble que son père, Louis, ait estimé que la meilleure formation commerciale était directement le terrain. Une opportunité était ouverte à la papeterie familiale (une place était disponible pour la branche Louis Aussedat, et Jean, le fils aîné, s'était orienté vers la médecine) et il fallait la saisir au plus vite. Plus tard, il complètera sa formation avec des cours du soir et de week-end en comptabilité et gestion pour accéder à un rang de Directeur Commercial Adjoint. Nous n'avons pas d'éléments précis expliquant un bac si tardif : ses problèmes de santé ? un cursus scolaire insuffisant ?

 

1915

 


1925

 


1927


1918

 


1925

 

 

1930


1932

 

1915

 

 

 

1925

 

 

 

 

1929




1932


1934

 

 

Doué d'un contact facile, chaleureux et souriant, aimant plaisanter, il démarre donc dans la vie active à 20 ans, juste après son bac, comme représentant dans l'entreprise familiale de papeterie. Il est affecté au dépôt de la Plaine-Saint-Denis d'où il couvre le nord-ouest la France, du Pas de Calais à la Basse Normandie, en train et autocar, sa valise d'échantillons à la main. Il saura rapporter de ces déplacements d'innombrables histoires drôles qu'il saura parfaitement bien trier pour n'en retenir que celles de bon goût.

 

De belle stature, se tenant bien droit, mince, il est très élégant. De par sa profession commerciale, mais surtout par goût, il aura toujours une tenue vestimentaire impeccable, généralement un costume 3 pièces, pochette blanche, col amidonné, chaussures brun-rouges, chapeau mou et cravate soignée ; pour cette dernière, il aura tendance après guerre à ne plus s'éloigner du rouge bordeaux uni, et sera toujours intraitable sur la qualité d'infroissabilité (qu'il testait dans le magasin sous le regard médusé des vendeuses ! ). Il n'aura jamais besoin de lunettes …Et contrairement à ses 4 fils qui hériteront des gènes de diverses calvities familiales, principalement Duburquois, Henri a, comme la plupart de ses frères,  les cheveux bien fournis et solides, caractéristiques des Balleydier.

 

A Paris, il est logé dans un hôtel proche de la Gare de l'Est et retrouve souvent ses cousins chez sa tante Néné Favre au 12 bis avenue Bosquet. C'est là qu'il fait la connaissance en 1935 d'Alix Duburquois, jeune Rennaise qui vient à Paris pour visiter les musées, et qu'une amie de ses parents a introduite dans le cercle de jeunes que réunit son amie Néné Favre. C'est un coup de foudre immédiat de part et d'autre et le début d'un amour qui ne faiblira plus. Ils se marient à Bourg des Comptes le 16 juillet 1936. Il a 24 ans, elle 15 mois de plus. Ils s'installent 21 rue La Bruyère (Paris 9°), dans le calme quartier Saint-Georges.

 

Il avait eu la douleur de perdre en 1933 sa sœur Gady dont il était très proche (elle avait 20 mois de moins que lui), et en 1935 son père, Louis, mort prématurément à 58 ans d'une crise cardiaque, comme toutes les générations précédentes de la famille Aussedat. De même, il sera très affecté par la mort accidentelle en juillet 1946 de son frère aîné Jean dont il a partagé la chambre de nombreuses années de jeunesse.

 

1936

 

 Renvoyé du service militaire au bout de 3 mois en raison d'un souffle au coeur consécutif au rhumatisme articulaire aigu de sa jeunesse, il réussit néanmoins à tromper le médecin en 1939 pour être engagé volontaire comme canonnier de DCA, alors qu'il a déjà deux enfants. Il est déçu par la perte de temps pendant les quelques mois de la "drôle de guerre" qu'il passe au fort de Montessuy à Lyon : beaucoup plus de corvées de pluche ou de gardes que d'entraînement militaire.  Sa famille est venue s'installer à proximité (voir les souvenirs de guerre d'Alix). Il est envoyé en avril à Voves, près de Chartres, puis à Chevry-Cossigny, près de Brie-Comte-Robert.  Mais il est encore plus déçu par les ordres incessants de repli sans combat (car il fallait économiser les munitions et ne surtout pas provoquer l'ennemi !!) pendant la phase de mai-juin 1940 qui le mène de la Brie au pont de Gien, puis au Lot-et-Garonne, (Leyritz Moncassin, à proximité de Casteljaloux). De ce fait, il refusera toujours de porter sa croix de guerre dont il estime qu'elle ne correspondait à rien.

 

 

 

 

 

1939

1939

1940

1941

 

1940, engagé volontaire, canonnier de DCA


Après sa démobilisation en juillet 1940, il est affecté quelques semaines à l'usine de Cran-Gevrier en particulier pour prendre des contacts avec des agriculteurs dans toute la zone sud afin d' approvisionner l'usine en paille, matière première de la pâte de cellulose. Puis il reprend des fonctions commerciales à l'entrepôt de Lyon, celui de la Plaine-Saint-Denis ayant été mis en sommeil. Sa famille s'installe d'abord Place Carnot, puis quai de la Pêcherie, sur le bord de la Saône. En mai 1942, il repart sur l'entrepôt de la Plaine Saint-Denis qui a pu être rouvert. Il y passera le reste de sa carrière comme adjoint commercial de son oncle Maurice Aussedat. L'appartement de la rue La Bruyère étant devenu trop petit avec leurs trois enfants, Henri et Alix déménagent début juillet 1942 dans un vaste appartement 3 rue de Villersexel, dans le faubourg Saint-Germain, qui pourra mieux accueillir leur famille en croissance soutenue.

 

En avril 1944, alors que son oncle Maurice est en déplacement à Annecy, Henri doit prendre les premières dispositions d'urgence suite au bombardement du dépôt de la Plaine Saint Denis. Dans toute cette période de Pâques à la fin de l'été 1944, sa famille est  mise à l'abri à la Gouverdière et à la Ville-Thébault (ferme appartenant à Alix sur la commune voisine de Laillé, voir souvenirs de la Libération rédigés par Alix), et il est seul au moment de la libération de Paris, pendant laquelle il rédige quelques pages de journal . Il avait également rédigé un journal au début de la guerre, mais celui-ci semble avoir disparu ainsi que ses nombreuses lettres donnant des nouvelles dans toute cette période.

 

Avant guerre, il avait milité aux Croix-de-Feu du Colonel de la Rocque. Lorsque ce mouvement avait été dissout en 1936, il avait adhéré au Parti Social Français du même Colonel de la Rocque, parti de droite d'inspiration patriote et chrétienne sociale dont les membres après la guerre se répartiront entre CNIP, MRP et RPF. Sans engagement particulier pendant la guerre (quoiqu'il ait été en contacts avec des cousins et amis des deux bords et qu'il ait cherché avec attention à comprendre les arguments des uns et des autres), il restera cependant fidèle par la suite au souvenir du Maréchal Pétain en qui il a surtout vu le défenseur de la patrie, et il conservera une méfiance vis-à-vis du général de Gaulle dont il estime qu'il a laissé s'exercer à la Libération trop de vengeances déchaînées, exécutions sommaires et promotions express de "résistants de dernière heure". Il lui arriva parfois au cours d'un repas familial dans les années 1950 de commencer à faire l'éloge du Maréchal, mais Alix, craignant que la conversation ne tourne à l'aigre, savait le couper d'un sec " Henri, pas devant les enfants". Gardant par ailleurs toute sa vie un très fort esprit patriote qu'il souhaitait transmettre, il ne manquait aucun défilé du 11 novembre avec ses enfants.

 

 

 

 

1942

1943

1943

1943

1943

1951

1952

1955

 

 

1954

 

 

1955

 

 

1957

1958 chasse à la Gouverdière 

 

          

1958, mariage de Totie (Béatrice Aussedat-Lacroix)

 

 

Dans les années d'après guerre les Henri alternent vacances à Aléry et à l'île de Batz, où Henri passe des heures entières à pêcher la crevette. Resté profondément amoureux de la Savoie, il a néanmoins tout aussi profondément adopté cette rude et simple vie qu'étaient à l'époque les vacances tout au bout de la Bretagne.

 

En 1953, alors que la famille a atteint son niveau définitif de 8 enfants, le ménage doit faire face à deux acquisitions importantes. D'abord l'appartement de la rue de Villersexel mis en vente par son propriétaire.  Puis la Gouverdière qui était gérée par le colonel Duburquois, père d'Alix, depuis la mort de sa femme en avril 1943, et qu'il faut racheter à l'indivision du frère et des sœurs d'Alix, vidée de la plupart de ses meubles, en mauvais état,  et manquant du plus élémentaire confort (pas d'eau courante, électricité au rez-de-chaussée uniquement, pas de chauffage, pas de téléphone). Voir les souvenirs d'Annik sur l'arrivée à la Gouverdière à Pâques 1954. Il leur faudra investir et travailler eux-mêmes d'arrache-pied pour rendre cette maison capable d'accueillir les innombrables cousins et amis de passage.

 

C'est dans ces quelques années de vacances à la Gouverdière qu'Henri découvre la chasse au contact de sa belle famille et acquiert même Mickey, un épagneul breton chien d'arrêt. Bridgeur passionné, comme toute sa famille, il bridge régulièrement avec les Bernard et les André Favre, un ami "cet excellent Monsieur Meyers", parfois les Rocher.

 

Responsable des services commerciaux parisiens de la Papeterie, Henri travaille étroitement avec le réseau commercial de Bull qui est distributeur des cartes perforées, la grande spécialité porteuse de l'époque. Il s'occupe également en direct de tous les grands comptes. Sa carrière à la Papeterie a coïncidé en grande partie avec l'aventure de la carte perforée qui se poursuivra encore une quinzaine d'années au-delà. Ce travail est souvent envahissant : il lui arrive très régulièrement de rapporter du travail le dimanche à la maison et même de raccourcir ses vacances, en particulier celles d'Aléry situées trop près de la papeterie.

 

  

           La Gouverdière, été 1958                     La Gouverdière, août 1959

 

 

 Dans les souvenirs de ses neveux et nièces, il était l'oncle toujours de bonne humeur qui racontait le soir des histoires qui faisaient rire (spécialement tout une collection d'histoires de Ouin-Ouin, d'origine Suisse, et de Marius et Olive, d'origine marseillaises) ou qui faisaient peur (en particulier "les 7 chambres" qui était réellement terrifiante, celle du chauffeur fou de Madame Deutsch de la Meurthe, ou les histoires du nain vert et du géant noir). Certains cousins ont encore le souvenir des histoires de ce gentil nain vert et ce vilain géant noir qui étaient censés se déplacer dans les souterrains d'Aléry et qui venaient frapper aux fenêtres dans la nuit. Une fois, ayant bien terrorisé ses neveux et nièces juste avant qu'il aillent se coucher, il alla un peu plus tard frapper au carreau de la grande chambre des filles au 1er étage en s'aidant d'une échelle (avec la complicité d'Alix qui tenait l'échelle !). Cris de terreurs des nièces (un peu plus exagérés que nécessaire), et fureur de certaines tantes qui craignaient que leurs enfants n'en soient marqués durablement.

 

Petite anecdote bien caractéristique de son humour, rapportée par sa nièce Béatrice Aussedat (Lacroix). C'est lui qui, en remplacement d'oncle Jean, l'accompagnait à l'entrée de sa messe de mariage. Celle-ci avait lieu à Saint Séverin, paroisse dont le parvis était traditionnellement envahi de clochards. Histoire de faire rire la mariée, il lui glisse à l'oreille en les désignant : " Ça doit être la belle-famille : je n'en reconnais aucun !"

 

Doté d'une voix juste, il  avait également conservé un bon répertoire de chants de variétés des années 1920-30, d'opérettes et d'opéra-bouffe.  Parmi ses préférées : tout Botrel (le grand Lustukru, le métayer, le petit Grégoire etc.), tout va très bien Madame la marquise, le château du moyen-âge, l'enterrement de ma pauvre belle-maman, les p'tites dames de Saint Gervais, ta femme mon vieux chose,  et bien sûr les deux "hymnes savoyards" : "Allobroges vaillants" et "étoile des neiges". (voir fiche du répertoire Henri Aussedat).

 

Jean-Louis a un souvenir particulier du répertoire de papa : sa chambre étant située contre la salle de bain, il entendait tous les matins papa qui venait se raser en chantant avec conviction  "Minuit chrétiens, c'est l'heure solennelle, où l'enfant-Dieu descendit parmi nous, pour effacer la tâche originelle, et de son père effacer le courroux…Merde, je m'suis coupé…Alix ! je saigne comme un cochon !" Jean-Louis n'a jamais compris pourquoi c'est toujours dans le Minuit chrétiens qu'il se coupait, ce qui arrivait au moins une ou deux fois par semaine compte tenu du mauvais état des lames à l'époque. Il ajoute qu'il lui a fallu attendre la messe de Noël à Oran pendant son service pour connaître la fin du couplet .

 

Chrétien convaincu et très priant, il chante avec ardeur en latin comme en français (il y a dans cette période plus de stabilité liturgique qu'aujourd'hui, et il peut continuer à chanter tout le répertoire religieux appris chez les jésuites).

 

Mais son rhumatisme articulaire  avait provoqué un rétrécissement mitral qu'on ne savait pas opérer à cette époque. En mars 1959, suite à une alerte cardiaque, il doit réduire son activité professionnelle, se sachant condamné à court terme. Ses derniers mois sont moralement difficiles, et il lui arrive d'avoir des moments de découragement et de révolte, mais sans que cela soit perceptible par les enfants. Il meurt d'un infarctus le 2 septembre, à 47 ans, dans une vaste salle commune de l'hôpital Boucicaut où il avait été admis en urgence le matin même, transféré au dernier moment dans une petite salle un peu isolée , entouré par sa femme. Il laissait 8 enfants de 8 à 22 ans qui resteront très marqués par cette rupture brutale.

 

Voir sa notice nécrologique parue dans "Par Chemins de Savoie", publication interne des Papeteries Aussedat, et le beau texte de méditation écrit juste après sa mort par son beau-frère Michel Pignal. Ces deux textes soulignent les traits dominants de sa personnalité, outre sa bonne humeur : l'attention aux autres et surtout la bonté. Déjà, dans son discours aux noces d'argent de ses parents en 1932, son frère aîné Jean, passant en revue toute la famille, avait parlé en ces termes de son frère, qui avait alors 20 ans : Voilà bien Henri là-bas : on ne fait pas plus brave. En octobre il sera bachelier et les plus brillantes carrières lui seront ouvertes. Je le vois plus tard homme politique célèbre considérable et considéré vers qui son pays reconnaissant tournera constamment les yeux et que les autres peuples admireront avec déférence.

Comme l'a souligné sa cousine tante Zézou Dor dans ses souvenirs, cette bonté était une tradition familiale profondément ancrée au cœur de tous. Elle précise : Oui. la bonté pure, qui croit en celle de l'adversaire. Souvent, cette foncière bonté était blessée, mais elle se haussait au-dessus d'elle même par l'indulgence, et tôt ou tard, tout rentrait dans l'ordre. En toute vérité, on pouvait se référer à la bonté Aussedat et on pouvait la remarquer même chez les tout jeunes. Cette tradition familiale rejoignait la devise de notre vieil oncle Maurice Henry-Coüannier, officier de marine célibataire mort en 1919 : "Soyez bons, bons toujours, bons quand-même"

 

 

Alain Aussedat, mars 2008

 

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